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L’École de la Garde de Guéret
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Créée en novembre 1943 dans la caserne des Augustines à Guéret, l’École de la Garde offre alors la seule opportunité d’instruction militaire en France métropolitaine. En effet, dans la foulée de l’invasion de la zone Sud le 11 novembre 1942, les Allemands ferment toutes les écoles militaires, de fin novembre à début décembre. C’est le cas notamment de l’École spéciale militaire (Saint-Cyr) repliée à Aix-en-Provence et de l’École de Cavalerie, du Train et de la Garde à Tarbes.
Alors que la Garde, arme séparée de la Gendarmerie fin 1940, a pour principale mission le maintien de l’ordre, les élèves de Guéret ne reçoivent aucune formation en la matière. De manière déguisée, il s’agit en fait d’organiser la renaissance des forces françaises, la petite armée d’Armistice en zone Sud ayant été dissoute le 27 novembre 1942.
La plupart des chefs d’unités et des instructeurs, officiers et sous-officiers, émanent des écoles militaires fermées et de l’armée d’Armistice. Les autres proviennent d’unités de la Garde. Si le colonel Favier doit sa place de directeur de l’École de la Garde à sa fidélité au gouvernement de Vichy, la plupart de l’encadrement aspire à la reprise du combat.
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Caserne des Augustines, 3 mars 1944
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Trois cycles de formation
Trois niveaux d’instruction fonctionnent simultanément.
Le premier cours prépare au corps des officiers. 44 stagiaires composent le 1er escadron. 13 sous-lieutenants, reçus en 1942 à l’École de Tarbes, terminent à Guéret leur formation. Ils intègrent le 25 avril 1944 les six régiments métropolitains de la Garde. Les 31 aspirants comprennent 25 Cyr 42, chassés d’Aix-en-Provence, et 6 sous-officiers de la Garde admis par concours.
Le deuxième cours forme les élèves gradés, des gardes inscrits au tableau d’avancement pour le grade de maréchal des logis-chef. Deux promotions se succèdent au sein du 2e escadron. La première prend fin le 21 février 1944. 13 restent à Guéret comme instructeurs. Les autres se déploient dans les escadrons de la Garde. La seconde promotion débute le 1er mai 1944 ; nous avons identifié 97 stagiaires.
Le troisième cours s’adresse à des jeunes n’ayant pas effectué leur service militaire, âgés d’au moins 18 ans. Ils s’engagent pour trois ans au titre de l’École de la Garde.
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De jeunes recrues
Concernant ce troisième cours, nos recherches au Service historique de la Défense (centres de Vincennes, de Caen et de Châtellerault) s’avèrent suffisamment avancées pour présenter un profil précis des 553 élèves gardes. Ce nombre exclut les jeunes qui ne se présentent pas à Guéret – ne répondant pas à leur convocation ou mis en permission dès leur engagement pour passer les épreuves du concours inter-corniches de fin mai 1944 – et ceux abandonnant en début de stage ou jugés inaptes. Ceci peut expliquer l’écart avec les effectifs théoriques parfois avancés.
Ces recrues sont jeunes, comme le montre la répartition par année de naissance de l’histogramme ci-dessus : 64 % d’entre eux sont encore mineurs et 87 % ont moins de 22 ans.
Seulement 6 élèves gardes viennent de la Creuse. Il s’agit effectivement d’une école de recrutement national, comme l’illustre la carte ci-dessous, qui regroupe les départements de naissance par anciennes régions administratives. Les pourcentages correspondent à la proportion de chaque région dans le nombre total d’élèves. Ces données seraient bien sûr à interpréter en fonction du poids démographique de chaque région. 4 % des élèves gardes naissent hors métropole ou à l’étranger.
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Origine des élèves gardes
Trois séries d’élèves gardes
Trois promotions d’élèves gardes se succèdent de manière tuilée.
Les 164 éléments du 1er stage commencent leur formation fin novembre-début décembre 1943. Le 15 avril 1944, la plupart se voient affectés comme gardes stagiaires dans les différents escadrons de la Garde. 15 élèves redoublent au 2e stage, 1 seul au 3e.
61 jeunes s’engagent de fin décembre 1943 à mars 1944 pour le 2e stage. L’élève incorporé tardivement en mars intègre le 3e stage peu après.
228 nouveaux engagés arrivent à Guéret mi-mai 1944 pour le 3e stage.
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L’École de la Garde s’adresse tout d’abord aux jeunes exprimant déjà une vocation militaire : une écrasante majorité (93%) des recrues du 1er stage viennent des corniches, c’est-à-dire des classes préparatoires à Saint-Cyr, ou sont d’anciens enfants de troupe, qui ont suivi leur scolarité secondaire dans les écoles militaires préparatoires.
L’appel ne recevant probablement pas le succès escompté, la sélection des candidats sur ce critère devient moins stricte : plus de la moitié (55 %) d’élèves de corniche ou d’enfants de troupe au 2e stage, plus du quart (29 %) au 3e stage. La chute apparaît encore plus nette pour les « cornichons ». Si la moitié (51%) des élèves gardes du 1er stage proviennent des classes préparatoires à Saint-Cyr, ils ne représentent que le tiers (33 %) du 2e stage et seulement 8 % au 3e stage. Ce phénomène se traduit par un rajeunissement des recrues, les élèves des corniches étant plus âgés du fait de leurs deux à trois années de classe préparatoire après le bac.
Les autres engagés correspondent à des étudiants, des jeunes ayant suivi des études secondaires ou travaillant dans le civil. La venue à l’École de la Garde leur permet d’échapper aux réquisitions pour le STO (Service du travail obligatoire) instauré le 16 février 1943.
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Une solide formation militaire
Les élèves gardes reçoivent une rude préparation au métier de soldat.
L’entraînement physique se montre particulièrement intensif : séance de sport chaque matin, marches forcées dans la campagne de jour comme de nuit, manœuvres avec arme et sac. Dans le même temps, les conditions de vie dans la caserne sont spartiates : lavabos à l’eau froide, toilettes à la turc au fond de la cour, une douche par semaine. Aucun loisir n’est organisé. Les autorisations de sorties se limitent au samedi soir et au dimanche.
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Cavaliers, fusil MAS 36 en bandoulière Pistolets-mitrailleurs Thomson
L’instruction militaire s’avère d’un niveau élevé : maniement des armes qu’il faut savoir démonter et remonter les yeux bandés, exercices de tir à balles réelles au champ de tir à l’extérieur de la ville, initiation au combat à pied dans l’attaque et la défense, notions de topographie et de transmissions.
L’armement se cantonne aux armes légères : fusils MAS 36, pistolets-mitrailleurs Thomson, fusils-mitrailleurs 1924-1929, mitrailleuses Hotchkiss. Nécessaires pour l’instruction au tir, ces armes seront précieuses lors du passage à la Résistance. En revanche l’Occupant interdit les armes lourdes : pas de mortiers, d’armes anti-char, de canons. Cette carence fera basculer le rapport des forces lors de la riposte allemande du 9 juin 1944.
Si l’essentiel du programme s’applique à tous les élèves gardes, son contenu varie selon la spécialité de chacun des trois escadrons d’élèves gardes. Ceux du 3e escadron à cheval se forment ainsi à l’équitation militaire, en manège et en campagne. À tour de rôle, ils gardent une nuit par semaine les écuries, dans des baraquements au champ de foire de Guéret (démoli en 1960). Les élèves gardes du 4e escadron motocycliste et du 5e escadron porté apprennent la conduite de motos et de side-cars et suivent des cours de mécanique.
Élèves gardes au champ de tir
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Fusils-mitrailleurs 1924-1929 Mitrailleuses Hotchkiss
Tous les anciens élèves gardes rencontrés ont affirmé n’avoir reçu à Guéret aucune instruction concernant les techniques de maintien de l’ordre. De même l’École de la Garde ne participe pas à la répression des maquis. Par précaution toutefois, les élèves reçoivent chacun deux balles lors des sorties d’entraînement, pour contrer une éventuelle attaque de maquisards. Mais ceux-ci ne manifestent pas d’hostilité. Ainsi, nous n’avons trouvé trace que d’un accrochage, le 8 janvier 1944 sur la commune de Brionne, le 4e escadron d’élèves gardes essuyant quelques coups de feu de la part d’une dizaine d’hommes.
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Une force décisive
Le jour du débarquement de Normandie, l’École de la Garde constitue un groupement militaire important dans le département de la Creuse.
Parmi les éléments en formation, sont présents et entraînés : 29 élèves officiers, 96 élèves gradés et 160 élèves gardes du 2e stage. Parmi les « bleus » du 3e stage, 226 élèves gardes se trouvent alors à Guéret. Soit un ensemble de 511 élèves, dont 386 élèves gardes. Les élèves absents sont hospitalisés, en convalescence, en permission ou ont rejoint un maquis.
L’encadrement de l’École se compose de 33 officiers, de 66 gradés (maréchaux des logis-chefs, adjudants, adjudants-chefs) et de 67 gardes. Soit un total de 166 cadres.
Trois unités du 5e régiment de la Garde viennent en appui à l’École de la Garde. Le 23 mai 1944, l’escadron 1/5 de Limoges remplace l’escadron 2/5 de Bellac. Toutefois, ce dernier cantonne à l’ouest de Guéret et rejoint l’École de la Garde dans la journée du 7 juin, ce qui justifie de le prendre en compte. Un peloton de l’escadron 7/5 de Pellevoisin complète le dispositif. Nos recherches ne se révèlent pas suffisamment abouties pour préciser l’effectif de ces trois unités de soutien. On peut avancer le chiffre de 250 militaires, tous grades confondus.
L’École de la Garde emploie aussi du personnel civil. Nous en avons retrouvé 34, mais le nombre est certainement supérieur. La plupart correspondent à des militaires camouflés en « agents des corps de troupe ». En effet, pour respecter la limite de cent mille hommes imposée dans les clauses de l’Armistice, des militaires aux fonctions administratives ou techniques sont mis en congé d’Armistice et maintenus avec un statut civil. Tel est le cas du spécialiste des moteurs Robert Marty, auparavant avec ce statut à l’École de Tarbes. À Guéret, il dirige l’instruction technique de l’École de la Garde et donne ses cours en tenue civile. Au maquis, il portera son uniforme et ses galons de lieutenant-colonel le feront prendre pour le chef de l’École de la Garde. Sauvagement torturé à Chamalières, il est achevé le 25 juillet 1944.
Le 6 juin 1944, l’École de la Garde dispose ainsi de près d’un millier d’hommes armés, instruits pour la plupart.
Xavier Le Roy
Président de l’Amicale des Cadets de la Garde
Version amendée d’un article publié en juillet 2023
dans le bulletin n° 9 de la section creusoise
de l’Association nationale des membres de l’ordre national du Mérite
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